La dictature dans les jeux de société : un miroir déformant du pouvoir

Comment l’univers ludique transforme la tyrannie en outil de satire, de stratégie… et de divertissement.


✒️ Introduction

En politique, le mot dictature évoque immédiatement la censure, la peur, l’autorité écrasante. Pourtant, dans l’univers des jeux de société, ce même mot devient parfois prétexte à rire, à tricher, à s’affronter — ou à réfléchir.
Depuis quelques années, le pouvoir autoritaire fait une entrée remarquée dans les mécaniques ludiques, non sans une bonne dose de second degré. Que dit ce phénomène sur notre époque, notre rapport au jeu… et à l’autorité ?


🎲 Quand le pouvoir devient un jeu

Les jeux de société ont longtemps évité les sujets politiques sensibles. Mais avec l’évolution du public et la diversification de l’offre, les auteurs n’hésitent plus à explorer les systèmes de domination, les conflits idéologiques, et les dérives du pouvoir.

Parmi ces jeux, certains choisissent la voie du réalisme (comme Secret Hitler), d’autres celle de la caricature, à l’image du très remarqué El Dictador : un jeu de cartes au ton satirique, où l’on s’empare du pouvoir à coups de “Fraude électorale”, “Fake News” et “Coup d’État”.
Le tout en moins de 15 minutes, avec des éclats de rire à la clé.


🧠 Le plaisir trouble d’incarner le tyran

Pourquoi est-il si jouissif de jouer les despotes, les manipulateurs, les menteurs ?
Parce que le jeu autorise l’interdit. Il permet d’explorer des postures morales ambiguës sans conséquence réelle. Il autorise la trahison, la perfidie, la stratégie cynique — autant d’attitudes qu’on réprouve dans la vie, mais qu’on savoure autour d’une table.

“Le jeu est un espace symbolique où l’on peut expérimenter l’excès, le pouvoir, le chaos, sans les subir”, résume un auteur de jeux indépendant.


🕹️ Une mécanique idéale pour les jeux modernes

Le thème de la dictature s’insère parfaitement dans une époque ludique où :

  • le bluff est devenu une mécanique dominante,
  • les identités secrètes créent des tensions savoureuses,
  • les jeux rapides et narratifs ont remplacé les parties longues et figées.

Dans ce contexte, le dictateur est un personnage idéal : charismatique, clivant, imprévisible. Et surtout, il justifie toutes les dérives… ludiques.


🧩 Jeux satiriques ou critiques politiques ?

Certains jeux abordent la dictature avec un vernis historique sérieux, comme Secret Hitler, qui évoque la montée du fascisme.
D’autres, comme Junta ou El Dictador, choisissent le rire grinçant, le détournement absurde. Ces titres n’ont pas vocation à enseigner, mais à faire réfléchir en jouant.

Et c’est peut-être là leur force : ne pas chercher à donner de leçon, mais permettre une forme d’exploration libre du pouvoir, où chacun peut tester, ressentir, se tromper… et recommencer.


📚 Une tradition qui ne date pas d’hier

Ce goût pour les figures autoritaires dans le jeu n’est pas nouveau. Déjà dans les années 1980, certains wargames proposaient des scénarios asymétriques, inspirés de régimes dictatoriaux ou de manipulations politiques.
La nouveauté, aujourd’hui, c’est la manière dont ces figures sont désacralisées, tournées en dérision, voire transformées en archétypes comiques.

C’est aussi un reflet culturel : dans un monde où le pouvoir politique suscite autant de scepticisme que de fascination, le jeu devient un exutoire, un outil critique, voire un terrain de micro-psychologie sociale.


🎭 Jouer pour mieux comprendre (ou détourner)

Dans El Dictador, chaque carte est une allusion contemporaine :

  • « Fake News » évoque la manipulation médiatique,
  • « Censure » la répression de la parole,
  • « Services Secrets » l’asymétrie d’information.

Mais ici, tout est permis, car tout est mis en scène. Et c’est bien cela que le jeu permet : une mise à distance. Il transforme le grave en stratégie, le sérieux en satire, sans jamais nier l’arrière-plan réel.


🎯 En conclusion

La dictature dans les jeux de société n’est ni un tabou, ni un hasard. Elle révèle notre besoin d’explorer le pouvoir, d’en rire, d’en jouer.
À travers des mécaniques habiles, des règles absurdes et des parties mémorables, ces jeux nous rappellent une chose essentielle :

Même dans la fiction, le pouvoir ne dure jamais… sauf si vous trichez bien.


📌 Pour aller plus loin :

  • Commander El Dictador
  • Lire : The Dictator’s Handbook de Bruce Bueno de Mesquita
  • Découvrir : Junta, Secret Hitler, Res Publica
  • Voir : The Game Designers (documentaire, 2019)

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